Qu'est devenu en quarante ans le métier de paysan, dont mes parents affirmaient avec raison, ce que je voudrais croire encore, qu'il était le plus beau métier du monde ? Huit fermes sur dix ont disparu. Malheur à l'exploitant qui n'a pas les moyens pécuniaires ou trop peu de terres pour résister à la loi productiviste qui impose de dévorer le voisin pour ne pas être soi-même dévoré. Des jeunes, surendettés, hantés par le spectre du dépôt de bilan, tombent dans la dépression nerveuse ; les suicides sont nombreux. Ces derniers mois les médias nous révèlent que, s'ils veulent garantir leur survie, les paysans sont amenés à spéculer désormais sur leur production, les grains en particulier. La tyrannie des marchés réussira-t-elle à transformer en affameurs potentiels ceux dont la vocation magnifique est de nourrir le monde ?
Pour que l'agriculture atteigne les rendements faramineux que lui imposent les politiques nationale et européenne les paysages ont été mis à mal, le tissu social des campagnes abîmé, les consciences faussées.
Afin d'exprimer à la fois mon attachement profond au monde rural et mon désenchantement, voir mon indignation devant cette descente programmée aux enfers de la surproduction incontrôlée, j'ai écrit une fiction, Graindacier, roman sombre mais non dénué d'espérance. La fatalité n'est pas humaine.
François Beaugey
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